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Ce supplément numérique
vous est proposé par

19, 20 et 21 mai 2017 à Montpellier

32e Comédie du Livre

BONJOUR

Nous avons beaucoup de chance ! Aujourd'hui débute la Comédie du livre. Qui se consacre trois jours durant à la littérature méditerranéenne. Il n'y a pas d'autre zone géographique au monde qui puisse être si propice aux livres et à la littérature. Cet espace est  nôtre, nous l'avons en partage avec une multitude de langues et de cultures. Il a et continue de générer par ses croyances, ses mythes, ses légendes et sa brûlante actualité, une pléiade de génies de l'écriture. 

Oui, nous avons beaucoup de chance de  nous trouver dans ce bleu là, dans ces senteurs si riches et diversifiées. La Comédie du livre compte parmi les cinq rendez-vous dédiés aux livres les plus importants de France. A quoi tient ce type de classement ? Au succès public,  plus de 100 000 visiteurs de tout âge, origine et milieu social confondus, prennent plaisir à se réunir à cette occasion à Montpellier et dans toute la Métropole .

A la volonté politique sans laquelle une telle manifestation gratuite d'accès ne peut voir le jour et se maintenir dans le temps. La Comédie du livre est un carrefour de rencontres entre l'Etat, les collectivités territoriales et les institutions dédiées au livre et à la lecture. Un carrefour où naissent des synergies entre les différents acteurs. La Comédie du livre doit aussi son rayonnement aux liens qu'elle tisse avec l'actualité éditoriale relayée par ses acteurs, auteurs, éditeurs et libraires. Enfin à la grande qualité de la programmation littéraire d'où émanent les débats et se croisent les idées en liberté.

Et de ce point de vue, à bien y regarder, il n'y a pas de rendez-vous plus réjouissant !

Parfum évanescent de la Méditerranée, 
lieu de rencontre et de naufrage

Après l'Espagne et l'Italie, la 32e Comédie du livre repart en prospection des pourtours méditerranéens. Au-delà de la malédiction qui frappe bon nombre de ses peuples, le pouvoir des écrivains est de nature à en transcrire les reflets comme à en dénoncer les effets. Il offre la capacité de ramener les expériences sur le terrain humain, de dépasser les violences et les peurs pour faire gagner de la force au lecteur. A travers la fiction, la poésie, ou le réalisme absolu, on pourrait dire que les écritures méditerranéennes nous donnent tout. L'exploration proposée cette année pourrait se transformer en thématique permanente. Comment, dans cette profusion de talents que révèle sans cesse la littérature méditerranéenne est-il possible de faire un choix ? Sans doute en lisant beaucoup...
Cette édition procure la joie d'accueillir à nouveau des auteurs espagnols et italiens comme le grand poète et romancier espagnol José Carlos Llop dont l'écriture se confond avec la vie, ou l'inverse. La mise en partage des rives méditerranéennes, permet aussi de recevoir des auteurs comme le croate Renato Baretic, l'intellectuel engagé slovène, Drago Jancar, l'Egyptien Youssef Rakha ou l'israélienne Orly Castel-Bloom qui distingue dans son œuvre savoureuse, le récit national de la réalité quotidienne. Au total, une vingtaine d'auteurs passionnants renforcent la sélection grecque. On mesure à travers le travail singulier de ces écrivains des défis communs comme la question des migrants, la transition politique et démocratique, la nécessité de faire place à de nouvelles pratiques, d'échapper aux mafias, de préserver des cultures menacées par l'éruption de la mondialisation libérale... 
La programmation improvise à travers un choix guidé par la découverte de nouveaux talents et le suivi de figures confirmées, une synthèse brillantissime. C'est toute la vie autour de la grande bleue, et ses périodes historiques différentes que sait si bien faire coexister la littérature, qui se retrouvent à Montpellier pour trois jours !
JMDH

Une contribution au 
dialogue en Méditerranée

Entretien
Avec la thématique méditerranéenne au coeur de la 32e Comédie du livre, la Ville et la Métropole réaffirment leur présence au coeur de cette civilisation. Rencontre avec Philippe Saurel.

Quelle place occupe la notion de "géohistoire" chère à Fernand Braudel dans votre vision du territoire ?


Les écrits qu’a consacrés Fernand Braudel à la Méditerranée conservent, des dizaines d’années après avoir été écrits, une grande partie de leur pertinence. L’invention de la géohistoire nous a en effet permis de prendre conscience du rôle fondamental de l’espace, du milieu, dans l’histoire des hommes et des sociétés. Et je suis pour ma part persuadé que la situation géographique de Montpellier et de son « pays » (pour reprendre le mot de Gaston Baissette) entre le littoral et ses étangs d’une part, le Pic Saint-Loup de l’autre, a été déterminante dans son évolution historique, et lui a conféré une identité particulière, distincte de celle des cités du littoral comme des villes d’arrière-pays.  
Ces dernières années, nous nous sommes largement ouverts à la Méditerranée, en nouant des partenariats forts avec un certain nombre de grandes villes, d’ailleurs en 2018 j’organiserai une rencontre des villes de la Méditerranée où seront invitées nos jumelles Barcelone, Fès, Tlemcen, Bethléem, Tibériade, Kos, Palerme mais aussi des villes incontournables du bassin comme Bastia et Marseille. 

Est-ce un reflet de la préoccupation essentielle du savoir-vivre ensemble ?


Le choix de la Méditerranée pour cette 32e Comédie du Livre répond à cette préoccupation du savoir-vivre ensemble. En effet, la Méditerranée a toujours été à travers l’histoire un lieu de contacts, de rencontres entre des peuples et des cultures issus de ses rives. Montpellier est aujourd’hui un carrefour où se côtoient écrivains, éditeurs, libraires à l’occasion de la Comédie du Livre, et réalisateurs, producteurs pendant le Cinémed. La Métropole de Montpellier apporte sans cesse sa contribution au dialogue entre les femmes et les hommes de cette région du monde. Pour moi, la Comédie du Livre en est d’ailleurs la preuve avec la venue de nombreux écrivains originaires d’une quinzaine de pays différents du bassin. Ce bel événement est un marqueur fort de l’identité de Montpellier et renforce notre rôle de capitale méditerranéenne. Pendant ces 3 jours, seront privilégiés le dialogue interculturel, la pluralité des points de vue, l’acceptation des contradictions et l’évolution des convictions aux contacts des autres.

La détermination suffit-elle à faire vivre l'esprit de tolérance au moment où les considérations d'ordre économique priment souvent sur le reste ?


Un des rôles essentiels du politique aujourd’hui est de recréer du lien entre les citoyens, de réfléchir à la question du commun et de rassembler. J’imagine que le philosophe Jean-Claude Michéa, un des invités de la Comédie du Livre, aura beaucoup de choses à nous dire là-dessus ! A Montpellier, nous avons choisi comme axe prioritaire la culture. Nous attachons de l’importance à ce qu’elle soit accessible à tous et de qualité, soutenue par un budget constant. Pour moi, c’est un véritable levier de développement économique et social. On le remarque par les festivals, les lieux (musées, centres d’art, théâtres, médiathèques…) reconnus nationalement et internationalement et qui jouent évidemment sur ce point un rôle essentiel. Je pourrai également vous parler de notre soutien aux équipements, aux associations et à l’évolution forte des Maisons pour tous qui permettent d’offrir aux habitants des actions culturelles et sociales importantes dans leurs quartiers. Nous ouvrirons d’ailleurs une 23ème maison pour tous à Feuillade. Sans oublier, d’ici 2020 la création de multiples projets liés aux Industries Culturelles et Créatives, donnant ainsi une nouvelle vie au site de l’EAI. 

Votre coup de coeur dans la multitude de propositions offertes par la programmation ?


Il me tarde bien sûr de rencontrer et d’écouter Manuela Carmena, la Maire de Madrid issue du mouvement Podemos, nous parler de son parcours politique né d’un engagement citoyen et humaniste, et nous faire part des pratiques de réinvention du politique que son équipe a mis en place à Madrid. Nous aurons du temps, je l’espère, pour échanger sur nos valeurs communes : proximité, participation citoyenne et faire de la politique autrement.

Nicole Liza, jurée du prix Méditerranée.

La philosophie des cabanes imaginaires 
récompensée

Prix Méditerranée

Lauréat du Prix Méditerranée du Livre d'art, l'ouvrage Cabanes imaginaires autour du monde, de Nicolas Henry offre une vision du monde intime, en prise avec les différentes formes d'habitat possibles. C'est ce que l'on pourrait être tentée d'imaginer en parcourant les photographies du volume, réalisées de part et d'autres du globe. Ce serait évacuer la mise en scène opérée par le photographe, qui s'éprend d'un imaginaire tout droit sorti de l'enfance. Des quartiers entiers ont été mis à contribution pour l'avènement de chaque installation, proche de la scénographie d'un théâtre où l'humain endosse le rôle d'acteur. En somme, une sorte de jeu enfantin, décliné sur de multiples terrains avec un  principe identique.
Jurée du Prix Méditerranée du Livre d'art, Nicole Liza ne tarit pas d'éloges sur l'oeuvre de Henry : "Sur la quinzaine de titres en lice, celui-ci se démarquait complètement. L'investissement des différents continents via la thématique de la cabane illustre parfaitement la polyphonie du monde actuel. Tout l'art du photographe est ici convoqué pour cette entreprise éphémère, dont la construction artificielle permet de montrer l'humain toujours au centre de l'image."
Fragiles et lyriques, ces séries photographiques mettent en lumière un ailleurs où les individus se rassemblent autour de rêves fous et se laissent aller à la contemplation d'un environnement tantôt luxuriant, tantôt dépouillé. Le parcours iconographique s'apparente au songe, avec ses fulgurances et ses plage de répit. La valeur utopique d'un tel monde semble tout droit sortie d'un conte philosophique, où la foi en l'humanité s'abreuve du merveilleux et de l'ironie. Y plonger offre une vision renouvelée d'une société contemporaine, capable de transfigurer ses usages. Nicolas Henry, qui a travaillé avec Yann Arthus-Bertrand, dessine les contours d'un immense théâtre dont les scènes oniriques sont à la fois l'outil et l'oeuvre. Toutes racontent la même histoire, fascinante, d'hommes et de femmes prompts à rêver davantage, dans le grand ensemble collectif que peut constituer l'art.

G.P

lRemise du prix Méditerranée du livre d'art le samedi 20 mai, à 16 h, au centre Rabelais.

6 pieds sous terre la tête dans les étoiles

9e art
 


La maison d’édition montpelliéraine 6 Pieds Sous Terre organise cinq expositions dédiées à la bande dessinée. Quatre auteurs du catalogue ont pignon sur rue dans toute la métropole.

« Notre venue au centre-ville a marqué notre appartenance locale » analyse sobrement Miquel, directeur des éditions 6 Pieds Sous Terre, chargée de monter les cinq expositions dédiées à la bande dessinée de cette édition. Cette collaboration d’envergure avec la Comédie du Livre est « un croisement de volonté entre la Comédie du Livre qui souhaite remettre la bande dessinée à l’honneur et la nôtre, historique, de valoriser ce champ de création » poursuit-il. Un retour en arrière s’impose, en janvier 2016 lorsque le désormais célèbre ornithorynque, la mascotte de la maison, s’installe dans l’Ecusson, au sein de l’atelier En Traits Libres. Cette présence forte au sein de l’évènement littéraire incarne le prolongement naturel de vingt-cinq ans d’activisme talentueux et forcené dans le registre de la bande dessinée moderne. La Comédie du Livre a petit à petit ouvert sa programmation au neuvième art. Depuis 2013, scénaristes et illustrateurs ont fait leur apparition dans la programmation. Leur présence est exponentielle cette année. La tête de gondole de ce volet consacré aux phylactères est l’exposition Fabcaro ou la Zaï zaï zaï zaï Attitude autour de l’œuvre éponyme de Fabcaro à l’Espace Dominique Bagouet, imaginé par Fabrice Erre. « C’est un défi et une belle opportunité de monter cette exposition dans un lieu d’art où la bande dessinée est rarement représentée » explique Miquel. C’est justement chez 6 Pieds Sous Terre qu’a été publié Zaï Zaï Zaï Zaï en 2015, suivi du succès retentissant dans tout l’Hexagone, qu’on lui connait encore aujourd’hui. Une opportunité bien méritée (et évidente) pour une équipe qui défend ardemment ses auteurs. « La bande-dessinée peut être littéraire. Elle est tout aussi écrite et mérite tout autant l’intérêt du public. C’est loin de l’image enfantine qu’on en a encore trop souvent » explique Miquel. Pour étayer ce propos, 6 Pieds Sous Terre s’empare des trois médiathèques pour y exposer des auteurs issus de leur catalogue, qui s’inscrivent directement dans le registre de l’autofiction, à l’instar de Fabcaro. Ils souhaitent montrer comment ce même thème minimaliste peut être traité de différentes manières, « parfois même en opposition ». Le très urbain Gilles Rochier, à Lattes, la poétique Emilie Plateau à la médiathèque Jean-Jacques Rousson et la truculente Tanx à Pignan. Enfin, pour compléter ce tableau déjà bien achalandé et pédagogique, un autre accrochage, très original, En Off, conçue par Ganaëlle Maury, sera visible à En Traits Libres et convoque l’univers artistique de ces trois invités lorsqu’ils ne s’attaquent pas à leurs planches (croquis, gravure, paysage…). Ce panorama riche est une fenêtre rafraîchissante sur la vivacité de ces productions à cheval entre le texte et le trait. « Une revalorisation de la bande dessinée qui ne fait pas de mal » s’enthousiasme Miquel ! On n’aurait pas dit mieux ! 
Céline Cauvi

Ce mois-ci, 6 Pieds Sous Terre  publie deux nouveaux ouvrages. Tanx sort enfin Des croûtes aux coins des yeux, volume 2 (128 pages, 15 euros), où elle continue son autoportrait quotidien en illustrant ses coups de gueule, coups de cœur, joies, colères et tout ce qui fait sa personnalité complexe, bourrée de richesses, « personnellement et artistiquement » confie Miquel à son sujet. 
Dans un autre registre, l’auteur portugais Pedro Burgos dévoile Le Collectionneur de Briques (56 pages, 10 euros). Un portrait au vitriol, « pamphlet contre la misère sociale et l’austérité » à travers l’histoire d’un architecte en faillite, aculé par la dépression.

Du choix des voies de traverses et du bénéfice de la lenteur

"La contre allée", la petite maison lilloise qui fêtera ses dix ans d'existence en 2018 est mise en lumière pour cette édition 2017. 

Après avoir accueilli en 2016 les Editions Verdier, la Comédie du Livre met cette année en lumière les Editions La contre allée. « C'est le rôle des manifestations littéraires de faire découvrir les éditeurs et pas toujours en faisant venir les éditeurs consacrés, indique Régis Pénalva, le coordinateur de l'événement. La petite maison lilloise qui fêtera ses dix ans d'existence en 2018 n'est cependant pas sortie de nulle-part. On lui doit la présence d'Isabelle Alba venue célébrer les littératures ibérique en 2015. De retour cette année, la romancière scénariste partagera un plateau avec Manuela Carmena la maire de Madrid pour débattre de la démocratie. Le magistrat anti-mafia de Palerme Roberto Scarpinato qui à fait un tabac l'an passé, signe aussi ses ouvrages à La Contre-Allée, une maison très ouverte sur les dimensions sociétales, politiques, et les voix européennes. On retrouve un certain nombre de thématiques transversales dans le catalogue comme la question de l'émancipation, le rapport au travail, l'urbanisme et la place de l'individu, l'hégémonie culturelle, ou la condition féminine... Sur ce thème Amandine Dhée, présente à Montpellier avec une dizaine d'auteurs, évoquera son dernier ouvrage La femme brouillon, où il est question des représentations ayant la vie dure sur les femmes enceintes.


Pour Benoit Vehille directeur et co-fondateur de l'aventure avec Murielle Leroy, le travail d'éditeur essentiel à notre plaisir de lire, s'envisage avant tout comme une volonté de rencontre avec des auteurs, des traducteurs et des compagnons de route. « Les livres naissent souvent chez nous. Ils sont le fruit des liens entre les personnes qui sont dans la maison, de leurs rencontres, de leur rapport au monde. Nous privilégions l'approche sensible, le parcours intérieur, Les histoires de fiction surgissent toujours d’un lieu donné. Inventer, c’est fouiller dans ce qui existe, souligne le journaliste poète Alphonse Cervera qui créé un espace entre fiction et réalité.  Nous travaillons beaucoup dans la proximité, cela nous fait avancer dans nos découvertes. » 


Un morceau de texte de Bashung « Délaissant les grands axes, j'ai pris la contre-allée.» apparaît comme une signalétique guidant les pas de cette maison pas tout à fait comme les autres. Avec sa collection « Fiction d'Europe » La Contre Allée sollicite les auteurs à poser un regard  par le prisme d'une fiction sur l'Europe. C'est ainsi que Christos Chryssopoulos, également attendu à Montpellier, est entré dans la maison au démarrage de la collection avec Terre de Colère. La maison attache une exigence particulière à la traduction. « Une langue s'apprivoise avec plus ou moins de bonheur. A Lille nous avons observé qu'il ne se passait pas grand chose autour des enjeux de la traduction, indique Benoit Vehille, nous avons fait en sorte de faire entrer les traducteurs en milieu scolaire pour sensibiliser les jeunes et les enseignants. Cela fait partie de nos actions de terrain qui participent à l'esprit de la maison. De même, nous sommes très actifs pour nos auteurs. Nous démarchons pour leur trouver des résidences et des débats. On refuse les simples séances de dédicaces. Le lecteur est aussi l'objet d'une vraie attention à travers la qualité des livres produits. On fait des livres comme on les aime car nous sommes avant tout des lecteurs. Nous avons une réflexion pour donner un maximum de confort. En prenant soin des couvertures, du graphisme, on aide les libraires qui font l'effort de nous soutenir.» 


Avec une production d'une dizaine d'ouvrages par an et quelques réimpressions, la maison s'apprête à fêter ses dix ans. Misant sur la force des relations autour de la dérive générale Les éditions La contre allée se sont constituées un catalogue dont la qualité littéraire a le goût des buissons sauvages. Elles poursuivent sur les chemins de traverse appelant à la nécessité de la diversité, en se forgeant une authentique reconnaissance. L'occasion nous est offerte d'aller flâner à la rencontre de cette équipe et de ses auteurs dont les actes pourraient être qualifiés de désaxés, s'ils n'étaient réfléchis.

 
JMDH

Une cinquantaine d'éditeurs présents 

Région
La Région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, l’association Languedoc-Roussillon Livre et Lecture et le Centre Régional des Lettres de Midi-Pyrénées proposent une programmation dédiée à l’édition et au patrimoine culturel en région. Pas moins de cinquante éditeurs sont réunis. On y retrouve notemment les éditions Fai Fioc, au Diable Vauvert, Anacharsis, Fata Morgana ou Indigène Éditions dont certaines jouissent désormais d’une diffusion nationale et internationale. Un sacré morceau qui s’impose comme une vitrine élégante de la vivacité de la production littéraire dans la région désormais fusionnée.


Autour des éditeurs et auteurs présents, une vingtaine de rendez-vous sont déclinés. « Nos champs d’intervention ont évolué depuis les premières éditions » explique Lucile Cérède, chargé de la communication pour LR2L, « notre action s’inscrit essentiellement sur des animations et des rencontres ». La structure porte toute l’année une mission d’accompagnement auprès des éditeurs que l’évènement permet de « valoriser auprès du public ». De la restitution des ateliers organisés dans les collèges et lycées, à la remise officielle du prix Méditerranée des lycéens, jusqu’aux lectures autour de la Grèce en collaboration avec l’association ADA-Autour des Auteurs, c’est toute une mise en réseau qui se donne ici à voir. Aussi, ce temps fort « permet de renforcer l’émulation collective ». La thématique méditerranéenne s’inscrit en filigrane dans toute la programmation.

 

Du côté des éditeurs jeunesse, la maison Karibencyla propose un conte autour du Minotaure et Athéna a imaginé 200 questions-réponses sur la guerre de Troie. On y trouve aussi « les lectures d’auteurs sur la Grèce et une rencontre autour d’Homère ». 
L’évidence s’impose, les liens sont étroitement tissés entre les éditeurs locaux et le patrimoine culturel régional. 
Céline Cauvi

Décentralisation
La Comédie du Livre s’évade hors de son bateau amiral situé sur l'Esplanade. Elle se déploie aussi dans les communes de la Métropole à travers une série de rencontres pendant  trois jours. Ce n'est pas un détail périphérique, puisqu'il s'agit de marquer « une volonté de coopération entre la Métropole et ses communes. Cela marque l’attachement des élus, du maire, Mr Saurel  à cette manifestation. C’est important que la culture soit territorialisée » souligne Gilles Gudin de Vallerin, directeur du réseau des médiathèques.  Depuis deux ans les démarches dans le sens de la « décentralisation » se sont renforcées. Pas seulement pour marquer le coup en apparence mais surtout pour fédérer un public élargi. « Tout le monde ne peut pas se déplacer à Montpellier, c'est une évidence d'aller vers les gens. » explique Gilles Gudin de Vallerin, justement au cœur du dispositif. A travers le réseau des médiathèques, les propositions s’empilent de Murviel-Lès-Montpellier jusqu’à Pérols.

« On traite à égalité toutes les communes, et non pas seulement là où la métropole a ses équipements ». La programmation dans les communes n’a d’ailleurs pas à rougir de son aura. On y retrouve entre autres Cécile Coulon, jeune auteure montante à la médiathèque municipale de Vendargues, Andreu Martin, le maitre du roman noir barcelonais au Salon de musique du château des Évêques de Lavérune ou encore l’auteur confirmé et reconnu Tanguy Viel au cœur de l’Orangerie du château de Castries. Des rendez-vous loin d’être « secondaires » insiste-t-il. « C’est un équilibre entre qualité, attentes des lecteurs et exigence artistique, par respect pour le public ». Ces évènements permettent d’exploiter des lieux insolites. Jardins, châteaux, cours, « Une opportunité de créer des rendez-vous d’un autre type ». Des moments privilégiés donc, au service d’une volonté affichée : « renforcer la dimension territoriale de la Comédie du Livre, et au-delà, de toutes les autres manifestations culturelles, dans une dynamique globale et générale ». Un « un élément de solidarité et de proximité territoriale » vis-à-vis duquel le réseau des médiathèques est enthousiaste de jouer un rôle complémentaire. 


Céline Cauvi

La Comédie 
du Livre se déploie dans les communes de la Métropole

Le focus sur la Grèce proposé cette année sera la colonne vertébrale du plateau méditerranéen. 

Littérature grecque

Dix auteurs grecs sont invités. Leurs écrits résonnent avec les événements de 2008. Si la connotation  politique se mobilise de façon différente dans la littérature en entraînant le lecteur sur le terrain romanesque, la crise demeure au cœur de la question littéraire. « Les écrivains ne traitent pas seulement de la crise économique et sociale, précise Régis Pénalva qui assure la direction littéraire de l'événement, ils abordent plus largement, la crise morale et philosophique. Le renouveau du genre que porte les jeunes auteurs a tendance à saisir les incivilités quotidiennes, la psyché d'un peuple dans la nouvelle organisation urbaine et leurs effets, la xénophobie, la peur de l'autre, la montée de l’extrémisme.» 

Entre poétique et politique


C'est le cas de Pétros Markalis, un expert du roman noir à qui l'on doit une trilogie athénienne sur la crise. Avec L'Ultime Humiliation Rhéa Galanaki, également présente à Montpellier, interroge notre vieille Europe sur son rapport à l'humanité. Avec une connaissance implicite acquise dans le berceau de la démocratie, les auteurs grecs ne cessent d'interroger leurs mythes fondateurs. Cette littérature baignée par son passé et son prestigieux héritage, philosophique, dramatique, épique ne saurait pour autant s'atteler au rôle attendu. 
Pour éviter de se retrouver prisonnier de cet héritage, le dramaturge Dimitris Dimitriadis s'emploie dans ses pièces à faire resurgir le potentiel critique des mythes en retournant ses figures. «Les observer par derrière, c'est précisément donner l'image de leurs fins », souligne l'auteur  dans un entretien donné autour de sa pièce Je meurs comme un pays (source: Théâtre contemporain.Net ). Quand Platon lui-même se transforme en assassin, alors qu'il vient pour empêcher le crime nous assistons au moment extrême de cette réalité...» 
Le romancier, essayiste né en 1968, Christos Chryssopoulos est l’un des écrivains les plus prolifiques et les plus originaux de sa génération. Ses livres, traduits en cinq langues, ont été distingués par des prix en Europe et aux États-Unis. Il écrit des fictions inquiétantes qui brouillent les repères entre récit réaliste et fantastique. Cristos Ihonômou signe des récits courts qui parlent de réalité avec une écriture saisissante, proche du domaine de l'oralité et un rapport particulier à la ponctuation dont le rythme scande le chaos de notre époque. La langue ardente de la poétesse et romancière Ersi Sotiropoulos nous entraîne sur un autre rythme. Dans son roman Eva elle nous ouvre les yeux sur les zones d’ombre d'Athènes au cours d'une nuit sans sommeil. 

Traduire les regards


Issue de diverses générations, les auteurs présents exercent différents styles d'écriture et représentent plusieurs régions de la Grèce. L'univers de Zyrânna Zatèli prend sa source dans la Grèce du Nord au cœur d'une région montagneuse et rurale, proche de la Macédoine. L'auteure déploie ses  talent de conteuse pour décrire la réalité humble et quotidienne de personnages d'une candeur et d'une vivacité étonnante. 
Thanassis Valtinos, Président de l’Académie d'Athènes, use d'une écriture minimaliste sans fioriture. Son œuvre puise sa source d’inspiration dans l’histoire douloureuse de la société grecque du XXème siècle. Il est issu de la Grèce profonde et montagneuse dont on retrouve l'aridité dans ses livres. Il a collaboré à plusieurs scénarios du metteur en scène Theo Angélopoulos. 
Le focus proposé par la Comédie du livre sur la littérature grecque, à la base de la culture occidentale, embrasse d'un même baiser salé son émergence et son évolution à travers une approche savante et accessible qui la met en relation avec notre contexte contemporain européen. On devrait  y trouver à s'approvisionner en nourritures terrestres et célestes.


JMDH

Ça va aller, tu vas voir

Christos Ikonomou

Étant entendu que toute entreprise coloniale est une entreprise impliquant gain et perte, les chroniques de la crise économique grecque de Christos Ikonomou s'inscrivent d'emblée dans le camps des perdants, c'est-à-dire du peuple. Là où les nuages ont tellement grossi qu'ils jettent de l'ombre dans la tête des personnages. Chez ceux qui ont perdu les mots et les idées pour énoncer ce qui leur arrive. La banalité du titre, comme son ironie, résume l'état de désespoir des survivants que fait danser Ikonomou dans les ruines du pays saccagé. Entre l'omniprésence de la peur, la colère brutale et la folie qui guette, l'auteur tente d'exhumer les traces frissonnantes de solidarité, d'amitié et d'amour... Avant que  l'alcool, la bêtise où la haine n'ouvrent à nouveaux les pores de la mémoire des hommes et les plongent dans la panique. Une matière romanesque bouillante dans un style narratif sauvagement jouissif.
JMDH

Nuit d'errance

à Athènes

Ersi Sotiropoulos

Un vent froid et sec souffle sur Athènes en ce réveillon de Noël. Eva, accompagnée de son mari Nikos, se rend à une fête huppée.

 

Lorsqu’elle quitte la boîte de nuit après avoir embrassé un jeune écrivain, elle est seule. La dernière fois qu’elle a vu Nikos, il parlait à « une blonde à gros mollets ». Le couple bat de l’aile. Eva, d’Ersi Sotiropoulos, romancière et poète grecque, raconte l’errance d’une jeune femme dans la nuit d’Athènes.

 

Alors qu’Eva dérive dans cette ville où elle semble perdue, son portrait se dessine. Ses échecs avec les hommes. Son vieux père qu’elle doit extraire de l’hôpital public car il manque des lits et que sa place n’est pas là, lui a-t-on dit… Ce soir-là, Eva va rencontrer des personnages qui vont lui ouvrir les yeux sur la réalité de son propre pays. 

 


C.Vingtrinier 

Le Mont Émeraude ou le conte manquant du "livre des Nuits"

Mansoura Ez-Eldin

2011, Le Caire, peu après la révolution. Enfermée dans son appartement, une femme, Bustân al-Bahr, cherche à ressusciter la princesse du mont Qâf, dont le récit maudit aurait été déformé puis délaissé par les conteurs des Mille et Une Nuits. Dehors un monde ancien s'écroule. La romancière égyptienne Mansoura Ez-Eldin  joue de l'imbrication du temps et des espaces. Elle construit un récit  hybride.

On passe du réalisme à un univers fantastique peuplé de personnages et de monstres obsédants. Le souvenir mythique incite l'auteure à évoquer un nulle-part où l'acte d'écriture au féminin s'inscrit dans une continuité sans fin. Dans cette errance, s'opère le choix de la marge, d'une quête obstinée, d'une combattante... Face à l'impasse, l'histoire resurgit comme la symphonie d'un rêve évanoui pour ouvrir des portes à ce récit novateur d'une mordante actualité.

JMDH

Regard d'enfant sur un drame à Madrid

Isabel Alba

Tomàs, 12 ans, grandit dans un quartier pauvre de Madrid avec sa mère Pili, sa demi-soeur Diana et son beau-père German, qui parfois « le cogne fort ».

 

Dès le début du roman, Tomàs révèle le drame qu'il a vécu. « Tout est embrouillé » dans sa tête. Il a alors une idée.

 

« Moi, je pense que sur le papier, si j'arrive tout à écrire sur des lignes bien droites sans faire de ratures, j'y verrai plus clair. »

 

La singularité de Baby Spot est d'être rédigé sous la forme d'un monologue où Tomàs se remémore les jours d'avant le drame. Il entraîne le lecteur dans la vie du quartier.

 

Son pote Martin, le dur à cuire le Zurdo, archétype du macho, Antonio le policier qui trafique... 

 


C.Vingtrinier 

Alain Mabanckou et la narration magnifiée

Romancier, poète, Alain Mabanckou est né à Brazzaville au Congo en 1966. Après avoir vécu en France, il réside désormais aux Etats-Unis où il fut d’abord invité comme écrivain en résidence en 2002. Il est professeur de « Creative Writing » et de littérature francophone à l’université du Michigan-Ann Arbor, et a remporté de nombreuses récompenses littéraires, dont le Prix Renaudot 2006 pour Mémoires de porc-épic. 

Photo Hermabce Triay

Francophonie

Premier écrivain nommé à la tête de la chaire de création artistique du Collège de France en 2016, pour une durée d'un an, Alain Mabanckou a prononcé un discours suivi d'une standing ovation dans lequel il battait en brèche les mythes des siècles précédents liés au continent africain. 


Affranchi des poncifs d'une littérature noire souvent caricaturée et parfois caricaturale, l'auteur qui s'est fait connaître par Verre Cassé en 2005 et sa ponctuation unilatéralement rythmée de virgules, a livré une oeuvre prolifique, très diversifiée, empruntant au roman picaresque (Petit Piment) comme au conte merveilleux (Mémoire de Porc épic). Son style, reconnaissable entre mille, puise dans l'art de la description soigneuse, forme accrue d'empathie et de rapport poétique au monde, dénué d'effet de mode ou de sérail. 


Au delà de l'autofiction ou de la littérature identitaire, Alain Mabanckou renouvelle perpétuellement univers, personnages, narration. Tel Perrault, iconoclaste en son XVIIème siècle, au coeur de la querelle entre les Anciens et les Modernes, pour avoir brisé le bon goût d'une littérature découlant de la précieuse inspiration antique en préférant la tradition orale du conte, Mabanckou écrit comme voix unique. Au dessus de la mêlée, la verve et le pouvoir de l'anecdote de ses fictions opèrent un charme prégnant chez le romancier qui a autrefois refusé de publier dans la collection Continent Noir de Gallimard, avant de faire son entrée dans la Blanche. Hermétique aux effets de vogue, il souligne : " Je n'ai jamais été réceptif à ce genre de polémiques, je laisse à l'art le soin de me dicter la folie nécessaire qui permet d'inventer un univers. En cela, je tiens de ma culture les méandres du conte, de la dérision et de cet humour qui peut d'ailleurs se retourner contre moi. L'Afrique est aussi le continent de la parole, et cette parole prend la couleur des mes traditions. La littérature n'a pas à revendiquer une certaine noblesse, elle est un art de l'urgence de dire notre condition. "


Rédigeant parfois au fil de la plume, Alain Mabanckou fait partie de ces auteurs dont l'écriture s'apparente à un état d'être au monde. A cet égard, il est passionnant de lire son rapport à l'anthropomorphisme dans Mémoire de Porc Epic dont l'acuité de certains passages révèle des problématiques universelles comme l'espoir et la peur de la mort. Par le truchement de la langue anaphorique du conte africain, Mabanckou brosse des quêtes extraordinaires et des passages presque rituels de l'existence qui trouvent leur résonance en chacun. Sa transfiguration d'une narration ludique déploie alors les trésors d'une culture foisonnante, et surtout plurielle .
"La culture orale est l'arrière-plan de ma création, et il arrive qu'elle prenne la forme de la fable comme dans mes "Mémoires de porc-épic" ou simplement un conte urbain comme dans "Petit Piment". Dans ce sens je ne sens pas la transfiguration mais une démarche naturelle car je ne dissocie pas l'écriture de la Parole. Mes livres peuvent s'écouter, et ils sont parlés. Pour nous autres Africains dont l'Histoire a été écrite par les autres, revenir à la parole c'est redonner au continent toute sa noblesse."


 Loin d'imposer une valeur morale prédominante, Alain Mabanckou rend l'héritage culturel africain audible par le prisme de fictions qui ne se ressemblent jamais vraiment. Au fil de ses romans, ce n'est pas une Afrique unique qui se fait jour, mais la multitude de ses composantes, où fulgurances et paradoxes ont toute leur place. Dans sa capture d'un monde contemporain nourri par un passé omniprésent, Mabanckou donne à voir un temps de l'événement où la société oscille entre contemplation et urgence de vivre. La place qu'il consacre aux femmes, n'est d'ailleurs pas sans importance car, sans écrire de plaidoyer, l'auteur livre un tableau signifiant de leurs rôles déterminants, constituants parfois le point d'inflexion d'une destinée. De cette façon de se saisir du temps de ses contemporains, prompte à inscrire ses narrations pour la postérité, Alain Mabanckou répond humblement : " La postérité est un idéal, et c'est parce que nous ne connaissons pas les moyens de l'atteindre que nous diversifions les genres et les arts. La meilleure façon de s'y approcher c'est de ne pas y penser à chaque fois qu'on écrit une ligne. Ce que nous marquons aujourd'hui constituera forcément le passé de demain. La seule question qui vaille est celle de savoir si nous mettons en avant le genre humain et la richesses des cultures et des rencontres." 
C'est oublier là que son oeuvre est d'ores et déjà consacrée, qu'elle a aussi trouvé résonances et échos, en de nombreuses traductions. A lui, désormais, de trouver les romanciers, qui parviendront à décloisonner l'Afrique, à dire et imprimer sa pluralité.


Géraldine Pigault

Rendez-vous

Dimanche 21 mai 
Alain Mabanckou, nous invite à « Une journée particulière »  de 10h à 20h à l'Espace rencontre Comédie et au Centre Rabelais où il a convoqué dans le cadre de sa carte blanche, les écrivains Serge Joncour, Yahia Belaskri. Cette journée se conclura à 19h au Centre Rabelais par un grand entretien de clôture autour de son œuvre de poète et de romancier.

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